Je suis un orchidoclaste : je cultive des orchidées. Je prélève des boutures, les suture, les croise, les décroise pour inventer de nouvelles variétés.

Tous les ans, les orchidoclastes du monde entier se réunissent au manoir La fleur absolue en Écosse. Ces réunions sont l’occasion pour nous d’échanger autour de nos nouvelles créations et des prix sont décernés aux plus originales.

L’an dernier, j’ai remporté le 2ème prix. Non pas parce que c’était une orchidée radine, bien au contraire. Cette fleur avait la faculté, lorsque l’on froissait un de ses pétales, de pleurer. Ses larmes avaient une couleur or dans laquelle scintillaient des étoiles brillantes. Elles étaient très abondantes, une simple pincée permettait de recueillir des flots d’un précieux liquide dont le goût était celui d’un whisky exceptionnel.

La dégustation des larmes de cette nouvelle fleur fit plus d’un heureux et c’est dans une totale allégresse que je remportai ce 2ème prix.

Cette année, je compte bien gagner le 1er prix. J’ai réussi à créer une orchidée parlante. Dès qu’on l’arrose, de sa minuscule bouche au cœur du calice, elle vous dit « Merzi » et ses pétales applaudissent.

Je butte toutefois sur un défaut de prononciation. On appelle ça un zoïle. Un zoïle est un zeuveu mal placé sur la langue. J’évolue dans mes recherches et j’ai créé d’autres orchidées pour tenter d’améliorer ce défaut. J’en ai créée une qui prononce un P à la place du Z, une autre un B à la place du C.

Imaginez tous les matins quand je viens arroser mes plantations dans la serre. Elles se mettent toutes à parler, chacune avec son défaut d’élocution.

« Merbi, j’ai bien dormi bette nuit »

« Moi aupi, mais ma voipine ronfle »

Et patati, et patata, c’est parti. Ça parle, ça parle à tort et à travers. De la serre émane un bruit assourdissant. J’en viens même à ne plus vouloir arroser mes différences, mes préférences, mes espérances, mes zorbicées, pour que le calme revienne dans ma tête.

Tout compte fait, je n’aurai peut-être pas le 1er prix !

Il faudrait que j’arrête de m’abreuver du nectar de mes anciennes orchidées. Hips. Ze serais plus net dans mes créazions !


NB : Les mots « orchidoclaste » et « zoïle » existent réellement, même s’ils ne sont plus usités, et ont en fait une signification bien différente :

Définitions :

– Orchidoclaste : Insupportable, pénible, familièrement casse-couille

– Zoïle : qualifie un critique injuste, malveillant et envieux

Alain