Sophie Ducharme
Ce soir, la promenade dans la campagne est fort agréable.
La journée a été chaude bien que ce soit la fin de l’été et celle des vacances – dernière soirée donc. Mes yeux veulent tout emmener, mon attention s’ouvre en grand pour retenir cette atmosphère simple et joyeuse car je ne reviendrai que l’an prochain.
Avant la nuit, j’ai encore le temps de prendre le raidillon contournant la première maison du village. Depuis le jardin derrière, il me semble entendre comme une tristesse. Oui, un enfant pleure. À travers le grillage, je l’appelle doucement. Dans un sanglot, il m’explique que sa grand-mère vient de mourir, qu’il ne pourra plus venir la voir ni jouer ici. Je ne sais que faire, le grillage m’empêche de le consoler, de lui faire des baisers. Alors je fais appel à mon sport préféré : le lancer d’étoiles que je pratique depuis que je suis toute petite.
Un soir que je venais de casser ma poupée et de lui dire adieu, j’ai ouvert la fenêtre de ma chambre et je l’ai lancée si fort qu’elle n’est jamais retombée. Mes yeux accrochés au ciel virent à cet instant une étoile qui me faisait un signe rapide dans le ciel noir. J’étais si heureuse de la savoir vivante tout là-haut.
Depuis, je sais où vont les morts. C’est mon secret. Alors, je dis à l’enfant :
– Va chercher un objet de ta mamie.
Ce qu’il fit.
Avec une force acquise depuis tant d’années de pratique, je lance sa grand-mère le plus loin que je peux vers le ciel. Une étoile s’allume et lui fait un signe.
– Tu vois, elle est là-haut maintenant ! Chaque nuit, avant de te coucher, si tu sais observer, elle t’enverra un baiser. Où que tu sois elle te suivra.
Il n’existe aucune école pour enseigner le lancer d’étoiles. Il se pratique dans le secret du cœur.
Anne Masson