Sophie Ducharme
Dans la petite ville, bien innocente, dans un quartier bien tranquille, il s’en passe parfois de belles, et bien sûr la morale s’indigne.
Mais finalement c’est bien ça qui est drôle, de mettre un coup de pied dans ces conventions bien poussiéreuses.
Mr et Mme Duchmoll habite dans ce quartier au 21, 2éme étage.
Mr et Mme Chmolldu habite le même quartier, au 21 aussi, mais au 4éme.
Ils sont sensiblement du même âge et ont commencé à se fréquenter à force de se croiser dans les escaliers. Mme Duchmoll aime bien Mr Chmolldu et Mme Chmolldu aime Mr Duchmoll. Tout va donc pour le mieux au 21 de la rue. Au fil du temps, ils se sont de plus en plus croisés dans ces escaliers.
Le voisin du 3éme s’en est même plaint, un jour, de toutes ces allées et venues.
– Vous n’avez qu’à nous vendre votre appartement et nous le nôtre, est l’affaire est jouée, avait proposé Mr Duchmoll
Il est vrai que maintenant, ce manège est incessant. Les mauvaises langues en arrivent à dire, sous couvert bien sûr, que Mme du 2éme fricotte avec Mr du 4éme, et que Mme du 4 fricotte avec Mr du 2. Et les pires disent même, enfin aucune preuve, que les dames fricottent ensemble, pendant que ces messieurs font de même.
Ah non, un immeuble pas fréquentable !
– Je n’ose plus sortir de chez moi de peur de les croiser en petite tenue
– Et moi je piste leurs allées et venues pour sortir quand ils ne sont pas là
– Et moi, qui suis au 3éme, je ne vous raconte pas tout ce que j’entends. Je suis pris en sandwich entre ces pervers !
Les commentaires vont bon train. Les gens adorent ces histoires, ça les occupent, et ils peuvent baver. Il leur faut toujours une tête de turc, et là, 4, pensez donc quelle aubaine !
Et le cirque va continuer pendant bien longtemps.
Mais un jour, le gardien, qui comme chacun sait est très observateur, constate que Mme Duchmoll et Mme Chmolldu ont des ventres qui s’arrondissent. La nouvelle circule à la vitesse de la lumière et pour le coup, tout le monde traine dans les couloirs. On passe l’aspirateur vingt fois devant son palier, on nettoie sa serrure, on brique la porte qui se met à briller comme un sou neuf. Ces femmes enceintes, se font féliciter par les voisins et voisines hypocrites. Des sourires longs comme des prières qui quémandent des explications. Mais bien sûr, rien ne vient, rien !.
Et les mois passent avec le même manège, tous les jours. Les voisins ça peut être têtus !
Le fameux jour de la sortie tant attendue de ces nourrissons arrive enfin. Les deux femmes accouchent le même jour, dans le même hôpital. Et vous le croirez ou non, tous les voisins défilent à la maternité, pour voir la bouille de ces nouveau-nés.
À qui ressemblent-ils ? Toute la question est là. Le reste importe peu. Sauf que…
Maintenant que va-t-il se passer dans nos escaliers, avec deux enfants de plus…
Et bien moi, je prépare mes valises…
Joëlle