Sophie Ducharme
– Tais-toi, dit le silence. Tu parles tout le temps. Tu ne sais pas t’arrêter. Tu es fatigante. Calme-toi. Prends le temps de faire les choses. Ça ne sert à rien de t’énerver. Allonge-toi sur un tapis. Détends-toi. Respire.
– Tu as beau jeu, toi. Tu ne vois pas comme nous vivons une période difficile. Des conflits partout. Que des gens énervés, agacés, impatients ! Moi, je n’en peux plus. Tu t’imagines toi avec un masque toute la journée ?
– Non, je ne m’imagine pas du tout. D’ailleurs je n’ai rien à dire. Pourtant je suis très éloquent. Tu ne trouves pas ?
– Je ne comprends pas ce que tu veux dire.
– Je me glisse partout, dans la joie, la peine, l’attente. Je suis toujours là où on ne m’attend pas. Je suis un peu mystérieux. Par exemple, je suis à côté de ta fille quand elle est interrogée en classe et qu’elle ne se souvient plus de sa leçon apprise la veille. Elle réfléchit, se concentre et si tout lui revient en mémoire, c’est grâce à moi. Qui piaffe au milieu de cette réunion de soi-disant amies qui critiquent l’absente ? Moi. Quand tu admires le ciel ou quand un paysage t’émeut, tu n’as pas besoin de parler. c’est moi à côté de toi. Si tu as peur en pénétrant dans une maison inhabitée depuis longtemps, c’est toujours moi avec toi. Je suis avec chacun tout au long de chaque vie. Je ne fais jamais de bruit et si on ne me voit pas, si on ne m’entend pas, je suis pourtant toujours là. Je suis l’ami fidèle. Il faut me deviner, faire attention à moi. J’en vaux la peine. Pense aussi au silence feutré des jours de neige ! Pense aux regards échangés qui en disent parfois plus longs que les mots. Pense au silence avant l’orage. Pense au silence respectueux qui entoure les morts. Et la ville endormie la nuit, la sens-tu ? L’entends-tu ? Et maintenant fais silence pour écouter les étoiles et les nuages.
Christine