Sophie Ducharme
« Unique objet de mon ressentiment »…
lorsque je t’ai perdu
ou lorsque je m’égare,
quand tu ne marches plus,
quand tu me fais marcher,
quand tu me fais verser
aussi autant de larmes
qu’un printemps aux torrents
fait rouler de gouttes d’eau…
Car j’ai besoin de toi,
Autant que d’air, je crois,
Besoin de te toucher,
Besoin de te tenir,
De sentir tes rondeurs,
Là, au creux de mes doigts
Enlacés par amour,
Parfois par le chagrin
Ou juste quelquefois pour garder une trace :
Raconter des histoires,
Copier une recette
Ou le cafard d’un soir
Ou écrire une lettre
Tu es là, mon fidèle,
Pour que rien ne s’efface :
Un prénom, une date
Au dos d’une photo
Ou ce menu copié
Sur une serviette en papier
Des post-it fixés
Au pêle-mêle de ma vie
Notes anti-oubli
Il m’arrive parfois
De me sentir abandonnée
Alors que c’est moi
Qui t’ai oublié
Au fond d’un sac
Changé par pure coquetterie !
Parce que l’autre est mieux assorti…
Mon pauvre « Petit Chose » qui,
Pourtant gravé à mon nom
T’es retrouvé contraint, forcé
De me lâcher :
Toi qui m’a joué
Le coup de la panne
Séché comme un cul de bouteille,
Sec comme un coup de canne
Privé de sens,
D’essence…
Bref – à bout d’encre
Tu ne m’avais pas dit
Qu’il fallait que je veille
A te nourrir un peu
Et pas que de mes mots !
Pardon, mon Petit Chose ;
Nous avons partagé
Tant de jours,
Tant de nuits,
Des chemins d’infortune
A ces grottes d’oubli,
Et mes lettres d’amour,
Les mots que je tricote
Pauvre vieille, le soir,
Devant la cheminée
Mais tous, et les plus beaux,
Dans ces airs que je hume,
Je sais : je te les dois,
A toi, mon porte-plume.
Patricia
Chère chose