Le membre fantôme

Sur la ligne de départ, bien calé sur son siège, la chanson «Born to be wild” d’Easy Rider à fond dans son casque rythme son impatience. Gong ! C’est parti. Thomas enchaîne les lignes droites et prend les virages au meilleur du point de corde. Il peste sur le trou d’accélération de son engin qui lui fait perdre de précieux mètres. Il remet les gaz mais Cédric revient à sa hauteur dans son fauteuil dernier cri. Par miracle, il évite un brancard, se penche sur la droite et ressent une douleur fulgurante. La brûlure du pot d’échappement est insupportable, il crie. Une infirmière accourt, et lui rappelle qu’il est interdit de faire la course dans les couloirs. « Ma jambe, ma jambe, j’ai mal”, il est en sueur, et menace de s’évanouir. Cédric, incrédule, le regarde sans comprendre. « Mais Thomas…”. Thomas baisse lentement les yeux sur son short où n’apparaît que le vide. Et tout lui revient, la moto qui dérape, le camion, le choc, le noir ; puis l’hôpital, le réveil et sa jambe disparue dont il ressent aujourd’hui la douleur.

L’infirmière s’accroupit, le réconforte et dit « Tout va bien, c’est courant, on appelle cela : l’illusion des amputés ».

Benjamin